L’heure approche

Imaginez-vous à l’aube de tout quitter, de donner votre démission, de rendre les clés de votre appartement et, soudain… un virus vient mettre la planète sens dessus dessous! Que faire? Prendre le risque de se retrouver à la rue avec des cartons, plus de travail et l’incertitude d’un départ impossible ou, plus sagement, jouer la montre et tout repousser d’une année sans savoir ce qui peut arriver d’ici-là, voire si le projet se mettra finalement en place ou non.

Eh bien nous avons choisi! Nous avons décidé de conjurer le sort et, en bons marins, de garder le cap…

Mais tout ça ne se fait pas sans anicroche. Alors que nous étions partis à Bruxelles fin février pour visiter un bateau qui nous a plu, le confinement est arrivé. Impossible dès lors de retourner en Belgique et de faire avancer le dossier. Il nous a donc fallu plus de trois mois de patience pour pouvoir retourner voir le bateau, cette fois hors de l’eau, afin de vérifier la coque et certains éléments essentiels comme le safran (la pelle sous-marine rattachée au gouvernail qui permet de diriger le bateau). Et finalement, nous avons fait notre choix et décidé de faire le grand saut : ce sera notre voilier.

S’est alors engagé une course contre la montre pour commencer à préparer ce qui sera aussi notre future maison. Aujourd’hui, nous en sommes à notre cinquième voyage en Belgique, en nous déplaçant là-bas en voiture, ce qui représente à chaque fois une balade de 1400 km sur deux jours!

Le bateau, conformément à notre souhait de départ, est un Etap 38i qui a trente ans puisqu’il a été construit en 1990. Il mesure 38 pieds de long (11.58 m) et pèse, à vide, 6.5 tonnes. Choisir un bateau est toujours un compromis. S’il est grand il est rassurant… mais beaucoup plus difficile à manier à deux et bien plus cher à entretenir. L’un des nombreux proverbes du monde de la marine dit d’ailleurs : petit bateau, petits problèmes, grand bateau, grands problèmes. Un bateau neuf présentera l’avantage de la modernité mais, sur un vieux bateau, tout ce qui devait casser a déjà cassé et été réparé, en général de façon plus solide. On dit aussi que les constructions anciennes étaient plus robuste ce qui, d’ailleurs, vaut pour pas mal de choses et pas seulement les bateaux. S’il est bien équipé il sera plus cher… mais au moins tout est déjà en place. Par contre, l’équiper soi-même permet de l’adapter au programme de voyage choisi.

Bref, c’est un éternel casse-tête.

Nous avons donc choisi ce modèle-là, déjà bien avant d’aller en visiter un en Angleterre au mois de novembre et celui-ci en Belgique, car il présente plusieurs avantages conséquents. D’abord la taille : 38 pieds nous semblait un bon compromis. Assez pour être sûr, et pas trop pour ne pas avoir de trop grands frais d’entretien et de « parking ». Il faut savoir que dans la plupart des marinas autour du monde, on paie sa place d’amarrage en fonction de la longueur du bateau (tant d’Euros ou de dollars par pied). Ensuite, ce bateau a l’énorme avantage d’avoir une hauteur sous barrots (la hauteur du « plafond » dans la cabine) de 2m. Comme nous mesurons 1.97m et 1.80m, il nous semblait essentiel de ne pas vivre courbés les 4 prochaines années et de revenir, de facto, bossus! Un autre avantage de ce modèle est qu’il est annoncé comme « insubmersible », c’est-à-dire qu’il a une double coque avec des réserves de mousses un peu partout. Comme on le sait tous, le Titanic aussi était insubmersible… mais c’est un gage de sécurité malgré tout et qui présente, de surcroît, l’avantage d’offrir une isolation phonique et thermique (surtout!). Une autre chose qui nous semblait importante est la solidité de l’ensemble. Le problème est que les bateaux solides de renom (Swan ou Halberg-Rassy pour les scandinaves ou Amel pour les Français) sont impayables, même d’occasion. Le prix est souvent du simple au double. Le chantier Etap est toutefois reconnu pour son sérieux et les qualités marines de ses bateaux, à un prix abordable. Une fois encore, c’est un compromis… Enfin, cette unité présentait encore d’autres avantages, comme un tirant d’eau relativement faible pour sa taille (la profondeur de la quille sous l’eau) qui donne une certaine marge sur les endroits fréquentables, un bon équipement général (Radar, AIS, Balise de détresse, etc) et un prix qui correspondait à notre petit budget sous réserve de quelques améliorations à apporter nous-même.

Aujourd’hui, le bateau est donc à Bruxelles, en pleine ville(!), sur un canal qui rejoint l’Escaut au nord et permet d’atteindre Anvers et de déboucher en mer du nord. Un premier convoyage était prévu au mois d’août pour amener le bateau en Bretagne mais, là encore, le virus aura eu raison de nos plans : alors que nous étions prêts à faire le voyage, les documents administratifs de changement de propriété et l’établissement de la lettre de pavillon (immatriculation) ont pris trois fois plus de temps que prévu. Nous nous sommes donc retrouvés comme des cons, avec un équipage de trois personnes supplémentaires qui se sont déplacées exprès depuis la Suisse et qui étaient prêtes à en découdre et à attaquer la Manche… mais pas d’immatriculation! Gros malaise pour nous d’avoir fait venir des amis depuis la Suisse sur leur temps de vacances, énorme déception pour l’équipage en question. Ah, l’administration! Et ce p… de Covid qui a bon dos!

En désespoir de cause, le temps passé à Bruxelles nous a finalement servi à préparer encore un peu mieux le bateau et à installer des équipements que nous aurions dû mettre en place en Bretagne. Le seul point positif, dans tout ça, c’est que nous avions un chantier naval juste à côté du bateau et que, de fait, ce fût bien plus pratique pour bricoler que ça ne l’eût été en Bretagne.

Et alors? Et maintenant?

Les deux semaines qui étaient initialement prévues pour ce convoyage étaient conditionnées par une chose : être de retour début septembre pour notre mariage! Nous sommes donc rentrés fin août, dépités, le bateau n’ayant toujours pas bougé de sa place d’amarrage. Mais la déception n’a finalement pas eu le temps de s’installer trop durablement… il a fallu rapidement se concentrer sur l’étape suivante et préparer la célébration de notre union, prévue le 4 septembre. Du coup, le convoyage vers la Bretagne se fera début octobre, alors que la saison sera déjà bien avancée et que l’hiver approche. Ce sera probablement moins confortable mais il faut garder le moral. Et le grand départ se fera quelques jours après être arrivés en Bretagne, presque dans la foulée. D’ici-là, pourvu que la situation sanitaire ne se dégrade pas trop et que les éléments nous soient à nouveau un peu plus favorables.

Nicolas & Daphné