La pensée de tout quitter est séduisante pour la plupart des gens. Pourtant, au moment de passer à l’acte bien peu s’y risquent. Sur un projet comme Boatstory, nombre d’aspects paraissent difficiles à mettre en œuvre, voire dangereux : traverser trois océans sans expérience de la mer, vivre en couple dans un espace aussi restreint que peut l’être un bateau de 11 mètres, affronter des tempêtes, réaliser une vidéo par jour dans une maison qui bouge au gré des vagues, et la liste est encore longue. Sans conteste, toutefois, le plus difficile reste de tout quitter.

Qui n’a pas déjà pensé à tout larguer et à changer de vie? Mais, au final, rares sont ceux qui font le pas. Bien sûr, on trouvera toujours une raison de ne pas le faire, comme par exemple le fait de ne pas avoir d’argent ; ou alors on attendra que les enfants soient grands ; peut-être qu’on se dira qu’on fera ça une fois qu’on sera à la retraite… les excuses ne manquent pas. Et, petit à petit, le temps passe et génère dans son sillage de nouvelles raisons de ne pas partir : nos parents vieillissent (on ne peut décemment pas les laisser) les petits enfants arrivent et leurs parents ont besoin de nous. Jusqu’au jour où, la santé déclinant, c’est nous qui avons besoin de nos enfants pour s’occuper de nous.

Finalement, le rêve ne restera qu’un rêve. Les excuses qui nous avaient servi à l’éluder nous reviendront en mémoire et nous serviront à amortir l’inexorable, nous aideront à faire le deuil, à avaler cette nostalgie pleine d’amertume qui nous assaillira et reviendra frapper à notre conscience. L’évidence se fera jour : je ne le ferai jamais. Petit à petit, la réalité prendra forme et nous agressera, armée de cette impitoyable vérité. « J’aurais dû y aller, j’aurais dû le faire », nous dira notre mélancolie, et notre boîte à excuse nous servira : « c’était impossible, il y avait ceci, il y avait cela ».

« Ce qui est le plus dur, pour un homme qui habiterait Vilvoorde et qui veut aller vivre à Hong Kong, ce n’est pas d’aller à Hong Kong, c’est de quitter Vilvoorde. C’est ça qui est difficile, c’est que ça qui est difficile parce ce quaprès, à Hong Kong, tout sarrange. Il suffit davoir une santé et une folie. Hong Kong est à la portée de tout le monde. Mais quitter Vilvoorde, ÇA c’est dur. » 

                                                                                                           Jacques Brel

C’est en revoyant une interview de Jacques Brel et en entendant cette phrase que m’est venu l’idée du projet Boatstory. Daphné m’avait déjà parlé de son envie de vivre sur un bateau et Brel a fini de me convaincre. Parce qu’en ce qui me concerne, c’est un rêve que je caressais depuis que, à 17 ans, j’avais vu Michael Douglas dans A la poursuite du diamant vert chasser des perroquets pour pouvoir se payer un voilier. Mais cette phrase du grand Jacques n’a pas fait que me dire qu’il fallait se lancer ; elle m’a aussi fait réaliser qu’une multitude de rêves s’évanouissent pour autant de gens. Alors l’envie m’est venue non seulement de vivre enfin cette aventure qui me tenait plus que tout à cœur, mais aussi d’agir comme un déclencheur, de la partager et de donner envie aux autres d’aller puiser dans leurs aspirations et de les réaliser.

C’est ainsi qu’est né Boatstory.

D’aucuns diront que c’est facile… et que, au final, nous faisons une collecte de fonds pour nous payer une belle vie. Dans ce cas, il existe bien des gens qui, contrairement à nous, ont des moyens financiers conséquents et qui, pourtant, ne font pas le choix de tout quitter et d’aller risquer leur vie sur les océans. Et au final, penser et dire que c’est facile est là encore la meilleure excuse de ne pas le faire soi-même.

D’autres diront que nous sommes fous et ils auront sans doute un peu raison. Car  Boatstory est un défi hors du commun. Se lancer sur les océans sans réelle expérience de la mer est en soi déjà un risque énorme. Tout quitter pour vivre en couple sur un bateau dont le volume n’excède pas celui d’une chambre d’enfants, alors que nous n’avons jamais vécu ensemble, nous expose au risque d’implosion du couple et, au final, de nous retrouver chacun de notre côté sans travail, sans logement, sans rien. Enfin, tourner, monter et publier une vidéo par jour sur les océans est totalement inédit et vous permettra, vous qui nous suivrez, de vivre cette aventure avec nous, au jour le jour. Ce sera notre plus grand plaisir : vous distraire, vous faire rire, vous faire rêver. Et si nous arrivons -comble du bonheur-, à vous encourager à vivre vos rêves par la même occasion, alors le pari sera gagné.

Enfin aux sceptiques qui nous disent que ça n’est pas réalisable, je répondrai par une citation dont l’auteur m’est inconnu mais qui ne pouvait être qu’un génie : « ceux qui pensent que c’est impossible sont priés de ne pas déranger ceux qui sont en train de le faire ».

Nicolas